Mont-de-Marsan 18 juillet 2003 

Afin de faire redécouvrir l'histoire taurine de Mont de Marsan, le 18 Juillet 2003, la Peña Escalier 6 déposait un azulejo sur la place Saint Roch, familèrement appelée place de la course au XIXe siècle.

Azulejo posé par la Peña Escalier 6


 L'histoire 

À la veille des Fêtes de la Madeleine, dont la tradition remonte à plus de 400 ans et à l'occasion du réaménagement de la place Saint Roch, le moment semble idéal pour rendre à cet endroit un peu du charme que contient son histoire… "taurinement" riche. En effet, pour les aficionados locaux, Saint Roch c'est d'abord le lieu où se déroulèrent, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, les premières courses de taureaux dans un endroit clos ; en somme, notre Plaza Mayor.

À Mont de Marsan comme dans le reste de la Gascogne, l'histoire taurine peut se résumer ainsi : c'est avant tout une "longue suite de démêlés entre les populations, acharnées à préserver un patrimoine socioculturel maintes fois remis en question par les autorités, ecclésiastiques d'abord, puis politiques, s'obstinant à condamner ou à interdire un mode de distraction donnant la primauté au courage et symbole par excellence de la fête". Emblème de l'enracinement sociologique des courses de taureaux, la place Saint Roch révèle, pendant près de 150 ans, le triomphe de la culture autochtone sur le pouvoir centralisé. Les mentalités locales prennent le dessus sur une civilisation qui, de plus en plus, "s'attache à masquer l'image de la mort et repose sur un large consensus anti-taurin".

La tradition tauromachique trouve son explication principale dans la présence de bêtes vivant à l'état sauvage dans le Sud-Ouest. En Aquitaine, bien avant la conquête romaine, "les premières populations durent lutter pour leur sécurité et leur nourriture contre les aurochs et taureaux (…)". Les bovins ont subsisté à l'état sauvage dans les immenses étendues boisées de la région. La nécessité de les combattre ne s'est assurément pas perdue et, lorsque le besoin de subsistance se fit moins pressant, alors se mirent en place les premères formes d'activité ludique autour du taureau. Ainsi, dès le XIIIe siècle, la coutume de "lâcher taureaux, bœufs et vaches dans les rues [ou les places] pour les faire courir" est largement diffusée. Les bêtes utilisées proviennent de grands troupeaux vivant en liberté dans les marais landais. Elles étaient conduites dans les rues à l'occasion des fêtes. Parfois, plus simplement, un boucher autorisait les plus courageux à braver ces mêmes bêtes semi sauvages qu'il emmenait à l'abattoir. Avec le boisement des landes initié au XIX ème débute le processus de disparition de la race landaise.

La fin du XVIe siècle constitue le point de départ d'un conflit qui opposera, pendant plus de trois siècles, adversaires et partisans des jeux taurins. Les autorités ecclésiastiques ont tendance à voir dans les courses de taureaux les réminiscences de la culture païenne. Ils dénoncent "ces spectacles publics ou privés où, pour faire parade de vigueur et d'audace, des hommes forts nombreux ne cessent de combattre, en beaucoup de villes et de bourgs, contre des taureaux ou autres bêtes féroces ; d'où il résulte fréquemment mort d'homme, fractures de membres et périls des âmes". Les menaces sont sévères. À Mont de Marsan, l'opposition prend la forme d'une véritable fronde qui témoigne de l'ancienneté des courses, patrimoine culturel s'il en est. On dénote au Moun "un reste de paganisme d'autant plus difficile à détruire [que l'on a affaire] à des peuples indociles". "De mémoire perdue, du tout et à jamais" c'est par des courses de taureaux que l'on souhaite solenniser la fête de Sainte Marie Madeleine.

Plus tard l'intervention de Louis XIV ne trouvera pas meilleur écho. Les courses perdurent. Au XVIIIe siècle, les autorités civiles reconnaissent enfin l'inutilité des interdictions rigides. Les luttes sont toujours aussi rudes entre les représentants de l'État et les populations indigènes, mais se terminent par un compromis entre les exigences de sécurité et le souci de respecter une culture locale aussi fortement implantée que la tauromachie : "les habitants de Mont de Marsan sont extrêmement attachés à ces sortes d'amusement… Ce serait inutile que tous les magistrats de tous les endroits où l'on fait ces courses voudraient les empêcher par des ordonnances ou des règlements de police ; le peuple ne s'y soumettrait point".

À la suite du décès du jardinier du Marquis de Lyon dans les rues de Mont de Marsan en décembre 1756, une ordonnance royale préconise le modèle bayonnais : désormais, pour éviter que les accidents ne tombent sur ceux qui ne s'y exposent pas, les courses devront avoir lieu dans un endroit fermé par des barrières, et non plus indistinctement dans toutes les rues de la ville. Ici se situe sans doute la naissance des nombreuses places de Taureaux, dont la ville de Mont de Marsan peut se targuer aujourd'hui.

"Le goût dominant et si général des peuples" de Gascogne pour ces distractions n'autorise pas les tentatives d'interdiction qui s'égrainent au fil de l'histoire. Seules les mesurent nécessaires à la sécurité publique progressent. À la fin de l'Ancien Régime, la coutume des courses en lieu clos est établie. Pour les populations du pays la course est un besoin que les interdictions successives n'ont fait que fortifier. La nécessité d'abolir cet exercice, indigne d'une nation civilisée et qui se ressent des mœurs sauvages de la féodalité, renaît sous l'Empire… en vain. " Il n'est point de plus grande affaire pour les habitants du pays que celle des courses et cette passion ne [peut] être appréciée par quiconque n'est pas sur les lieux ."

 La culture taurine du Sud-Ouest 

Coutume dont il faut aller chercher l'origine aux racines les plus profondes des mœurs et du tempérament gascon, la tauromachie que nous connaissons aujourd'hui cherche sa forme moderne sur le pavé de la place Saint Roch. Nous sommes, aficionados locaux, les héritiers de ce "goût dominant et si général pour les courses" dont on parlait jadis. Se souvenir, c'est contribuer au maintien de la culture taurine du Sud-Ouest, à l'originalité et à l'identité de la ville de Mont de Marsan.

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